L’impact de la mémorisation de la Parole de Dieu sur les individus et la communauté de Bimbo

Introduction

Mon expérience avec la mémorisation a commencé pendant mon enfance, et elle était profondément ancrée dans la communauté bahá’íe de Goma où j'ai grandi. Mon père est devenu bahá’í quand j'avais sept ans, un changement drastique comparé à sa précédente opposition à celle-ci et ses efforts à persuader ma mère de se convertir au christianisme. Comme ma compréhension de son parcours spirituel était limitée, j’étais initialement confus de sa précédente position religieuse. Aujourd'hui, cependant, je plaisante souvent en disant qu'ironiquement, mon père était devenu un bahá’í plus dévot que ma mère.

Sa ferveur se manifestait surtout en insistant que nous mémorisions diverses citations et prières. Ne pas le faire pouvait entraîner certaines conséquences. Nous étions ensuite invités, dans le cadre des classes pour enfants, à réciter ces passages lors des célébrations des jours saints bahá’ís.

Avec le recul, cette pratique rigoureuse était avantageuse. Au moment où je me suis engagé dans le processus de l'Institut, j'avais déjà mémorisé de nombreuses citations dans les livres Ruhi, souvent dans leurs formes étendues. De plus, j'ai appris à apprécier cet aspect de mon éducation après une conversation avec une amie d'Iran. Elle a raconté qu'étant enfant, les jeunes bahá’ís étaient contraints de mémoriser une quantité importante des écrits, y compris le Kitáb-i-Aqdas, principalement parce que les fonctionnaires de l’Etat pouvaient arrêter quiconque en possession de la littérature bahá’íe.

Dans cet article, je vais brièvement parler de l'importance de la mémorisation dans la Foi bahá’íe. Ensuite, je vais partager l'expérience des réunions dévotionnelles de mémorisation de la localité de Bimbo, en République centrafricaine (RCA). Et enfin, je partagerai quelques expériences individuelles sur la mémorisation.

L’importance de la mémorisation dans la foi bahá’íe

Les bahá'ís reconnaissent l'importance de la mémorisation de la Parole de Dieu et son pouvoir de transformer le cœur humain. Bahá'u'lláh dit : « Le Verbe de Dieu est le roi des verbes et son influence persuasive est incalculable. […] Le Verbe est la clef suprême pour le monde entier car, par sa puissance, les portes des cœurs des hommes, qui sont en réalité les portes du ciel, sont ouvertes.[1]

Les figures centrales de la foi bahá'íe ont souligné l’importance de mémoriser la Parole de Dieu bien avant que le processus de l'Institut n'en fasse une pratique courante. Le Báb a dit : « …et Dieu remplira de son amour toute poitrine qui mémorisera ses paroles [Bahá’u’lláh], si c'est celle d'un croyant… ».[2] Dans l'Épître au fils du loup, Bahá'u'lláh révèle : « Béni sois-tu [...] car je t’ai révélé cette épître qui élève l’âme des hommes. Apprends-la par cœur et récite-la ».[3]

Faisant écho à son père, 'Abdu'l-Bahá a souligné qu’« Il est extrêmement louable d'apprendre par cœur les textes des Saintes Tablettes, des paroles et des déclarations claires. »[4]

La mémorisation des Paroles de Dieu est particulièrement importante dans le domaine de l'enseignement. Son but est de différencier le partage de ses propres interprétations des Ecrits et transmettre les Paroles authentiques de Dieu. Ainsi, « …la manière idéale d'enseigner est de prouver nos dires par des références constantes aux paroles mêmes de Bahá’u’lláh et du Maître. Ceci empêchera les individus de mal interpréter la cause. C'est ce que ces Lumières divines disent qui est vrai ; par conséquent, elles devraient être la force de nos déclarations... »[5] Et pour finir avec Shoghi Effendi, « Les amis devraient lire les écrits et être capables de citer des extraits de Tablettes lorsqu'ils délibèrent de sujets qui concernent la foi. »[6]

Réunion de mémorisation : Une expérience de la localité de Bimbo en République Centrafricaine (RCA)

La localité de Bimbo est située dans le groupement de Bimbo, l'un des groupements les plus avancés en RCA. Chaque dernier dimanche du mois, ils organisent une réunion dévotionnelle spéciale consacrée à la mémorisation. Après les prières d'ouverture, chaque individu se retire pour mémoriser des prières ou des citations de son choix. Pour aider ceux qui ne peuvent pas lire, des tuteurs expérimentés accompagnent les adultes, tandis que des animateurs et des enseignants de classes pour enfants travaillent avec les préjeunes et les enfants. Une fois le temps alloué à la mémorisation écoulé, ils se regroupent pour partager leur progrès. Ceux qui n'ont pas fini de mémoriser sont encouragés à continuer tout au long de la semaine.

Le membre du corps auxiliaire, M. Jean Robert Yokodjean, a rapporté que le concept de ces réunions est né de la réunion institutionnelle qui a lancé le plan de neuf ans en RCA. Les participants réfléchissaient aux éléments du cadre conceptuel,[7] en particulier sur la participation dans les discours prévalents dans la société. Pour être efficace dans ce domaine, ils ont reconnu qu’il est nécessaire d’améliorer leur capacité à mémoriser les Écris saints. Effectivement, dans le contexte de l’exécution du plan, la Maison universelle de justice a appelé « les amis à mémoriser des extraits des Écris saints. Si un croyant éprouve des difficultés à mémoriser, il peut être encouragé à faire pour son propre usage une sélection d’Éxtraits, aussi brèves que possible, qu’il pourrait relire et apprécier à son propre rythme, pour assouvir son âme intérieure. »[8] Ensuite, l’Assemblée spirituelle nationale des bahá’ís de la RCA a introduit ce thème dans les séminaires visant à renforcer la capacité institutionnelle des Assemblée locales dans tout le pays.

Dans le même ordre d’idée, M. Yokodjean a souligné l’importance de ces réunions dans la localité de Bimbo et notamment du sentiment de soutien mutuel qui imprègne ces sessions. De plus, beaucoup ont exprimé que bien que la mémorisation soit difficile en solitaire, la tâche devient plus facile et agréable dans ces rencontres.

Dans certaines communautés de la République démocratique du Congo connaissant un taux élevé d’analphabétisme, la mémorisation est le principal moyen d’accéder à la Parole de Dieu. Ce qui est intéressant, c’est que les amis mémorisent même les messages de la Maison universelle de justice, souvent à travers les chansons. Par ailleurs, l’expérience de Bimbo est extraordinaire car elle implique toute la communauté, faisant d’elle un cas unique.

Quelques perspectives individuelles sur la mémorisation

Une amie m’a fait comprendre que mémoriser la Parole de Dieu c’est comme prendre un médicament. Quelle que soit notre foi en ce dernier, il agira néanmoins sur le corps pour éradiquer la maladie. Elle est arrivée à cette conclusion après avoir passé son adolescence et une partie de sa jeunesse à rejeter l’idée de l’existence de Dieu. Cependant, après avoir étudié le Livre 1 de l’Institut Ruhi et mémorisé ses citations, elle a découvert qu'elles avaient sur elle un impact profond que même les idées philosophiques les plus stimulantes qu'elle dévorait n'avaient pas. Les citations surgissaient en elle, sans être invité, influençant ses pensées et ses actions.

Cette expérience n'est pas isolée. M. Yokodjean a raconté l’histoire d’une transformation personnelle qu'il a observée chez une femme musulmane pendant qu'elle étudiait le Livre 1. Avec l'aide de son tuteur, elle avait mémorisé chaque citation de ce livre. Elle lui a confié que lorsqu'elle rencontrait des obstacles ou donnait des conseils, elle renforçait ses arguments avec une citation. Par exemple, un voisin se souvient qu'elle avait mis fin à une session de commérages en déclarant : « ...la médisance éteint le feu du cœur et étouffe la vie de de l'âme. »[9]

Pareillement, un ami qui participe régulièrement aux réunions de mémorisation à Bimbo a expliqué que l’espace l’a aidé à mémoriser plus de prières et citations, et à revoir celles qu’il avait déjà oubliées. Il a raconté un rêve dans lequel sa défunte mère semblait avoir besoin de prières. À son réveil, il s'est rendu compte qu'il avait fait don de son livre de prières imprimé et que son téléphone ne lui permettait pas d'accéder à la version électronique. À son grand désarroi, il n'avait pas mémorisé une seule prière pour les morts. Le lendemain matin, lors de la réunion dévotionnelle, il était plus simple pour lui de choisir une prière à mémoriser.

Deux ans après le début du plan de 9 ans, les communautés bahá'íes du monde font l’expérience de divers moyens afin de libérer le pouvoir de reconstruction de la société de la Foi à des degrés encore plus élevés, et nous pouvons apprendre les uns des autres. Au-delà des avantages personnels de la mémorisation de la Parole de Dieu, la communauté de Bimbo a directement associé cette pratique à une participation effective aux discours prévalents dans la société. De manière significative, le concept des réunions dévotionnelles de mémorisation n'est pas resté à un niveau abstrait, mais plutôt la communauté de Bimbo le vit en action.

Avez-vous des expériences similaires à partager ? Merci de nous le faire savoir dans la section des commentaires.

Remerciements

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers Madame Bitiya Elias en Éthiopie, ainsi qu'à Messieurs Jean Robert Yokodjean et Ismaël Sobogon en République centrafricaine pour le partage généreux de leur expérience. Un remerciement spécial va également à Mesdames Rachel Kakudji et Nancy Feidangai qui ont assidûment corrigé le texte en français. Je prends l'entière responsabilité de toutes les erreurs restantes dans cet article.

Références

[1] Bahá’u’lláh, Les Tablettes de Bahá’u’lláh Après le Kitáb-i-Aqdas, MEB, Bruxelles, 1994, p. 173.

[2] Le Báb, Sélection des Écrits du Báb, MEB, Bruxelles, 1984, p. 98-99

[3] Bahá’u’lláh, Épitre au Fils du Loup, MEB, Bruxelles, p.192

[4] L'importance d'approfondir, Compilation réalisée par le département de la recherche de la Maison Universelle de Justice Centre mondial bahá’í, No 32.

[5] Idem, No 103

[6] Idem, No 105

[7] Paul Lample, Toward a Framework for Action, 28.3 Journal of Bahá’í Studies (2018).

[8] Les Assemblées spirituelles locale, Compilation réalisée par le département de la recherche de la Maison universelle de justice, No 1354 (1991) (Traduction personnelle)

[9] Bahá’u’lláh, Florilège d’écrits de Bahá’u’lláh, MEB, Bruxelles, 2006, No 125.3